À L'APPROCHE DU FEU MÉDITANT
Presse (Français)
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KOKURITSU GEKIJO
30 Septembre 1983
(Théâtre National du Japon)
Tokyo
par
Uenami Wataru
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LE MONDE DE LA MUSIQUE
N° 62 Décembre 1983
Création de "A l'Approche du Feu Méditant", à
Tokyo
L'ORIENT DANS MA MEMOIRE
par Jean-Claude Eloy
Propos recueillis par
Jean-Noël von der Weid
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MUSIKHANDEL
Avril 1986
Les disques
Information et divertissement
Musique nouvelle sur disques nouveaux
*
TÉLÉRAMA
Nž 1934 du 4 Février 1987
DISQUES
TRADITIONS
par
Alain Swietlik
JAPON
À L'APPROCHE DU FEU MEDITANT
Jean-Claude Eloy
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À L'APPROCHE DU FEU MÉDITANT
Presse (Français)
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KOKURITSU GEKIJO
30 Septembre 1983
(Théâtre National du Japon)
Tokyo
par Uenami Wataru
Eloy - Musique de cour (Gagaku)Jean-Claude
Eloy est un compositeur français né en 1938. Au conservatoire
de Paris, il a été lélève de Darius
Milhaud. Il a participé aux cours dété de Darmstadt,
et a été lélève à Bâle
de Pierre Boulez. Après cela, il a rencontré Karlheinz Stockhausen.
Il a su évoluer en sinspirant de Stockhausen et de Boulez
; deux représentants de lavant-garde de cette époque.
Le succès d"Équivalences" lont fait
connaître en Europe et lont élevé au sein du
monde musical contemporain.
On peut dire que sa carrière est celle dun compositeur qui
sest montré actif dans tous les champs des lignes de forces
de la musique contemporaine. Cest une formule qui ne se réduit
pas à celles de tel ou tel compositeur. En outre, il a même
été donner des cours aux Etats-Unis.
Ce qui succède à cela na aucun sens (il serait inutile
de continuer à expliquer sa carrière). On ne peut sempêcher
de sinterroger sur les raisons qui ont poussés Eloy à
sintéresser au Gagaku. Je me demande dans quelles circonstances
Eloy a écouté du Gagaku, ou encore dans quelles circonstances
lenvie de composer du Gagaku lui est-elle venue.
Cette fois-ci est peut être la septième visite dEloy
au Japon. Mais il dit avoir depuis longtemps un intérêt pour
lOrient et le Japon. Il y a probablement eu une première
rencontre, à travers un enregistrement rapporté du Japon
par sa sur aînée. Ensuite, il y a eu, à Paris,
quelques connaissances préalables acquises grâce à
lenregistrement quil avait pu se procurer. Il sest alors
mis à nourrir un sentiment dadmiration pour le Japon et sa
culture. Et puis " Shânti " est joué pour la première
fois au Japon, au festival musical "Pan-Music", à Tokyo.
Après cela, il met trois années à réaliser
la vaste uvre "Gaku no michi" au studio de musique électronique
de NHK.
Et cette période a probablement été pour Eloy celle
des premiers travaux concrets sur le Gagaku.
Ce fut la même chose à cette période pour Stockhausen,
cependant cétait un Gagaku composé de matériaux
enregistrés. La résonance de ce Gagaku a été
changée par lutilisation dinstruments électroniques,
et à lintérieur de ce travail - qui a transformé
la résonance du Gagaku par lemploi dinstruments électroniques
produisant de la musique physiquement pure - ces deux compositeurs étrangers
ont nourri un intérêt pour produire du Gagaku. Il semble
que ce fut aussi le cas de Maki Ishii.Aujourdhui, bien quon
découvre lesprit (l'éveil) de jeunes compositeurs
parmi les membres qui exécutent cette musique, cest comme
si, jusqu'aux années les plus récentes, il ny avait
eu quun seul modèle denregistrement mettant en contact
le Gagaku et les compositeurs davant-garde.
Et cette chose retient mon intérêt. En somme, le Gagaku apparaît
en tant que bloc de sons abstraits.
Evidemment, et même si ce nest pas une erreur de dire que
le Gagaku a été transmis du continent (1) et adapté
au Japon, on peut dire que la couleur et le parfum d'origine du Gagaku
nont pas été perdus. Et puis cela a été
effacé par la vague de lhistoire, avec lamoncellement
de la culture dite japonaise, et cest devenu une résonance
purement abstraite. Ne sagirait-il pas (pour les compositeurs) dun
espace acoustique physiquement pur ? Il semble quà lintérieur
de la manipulation acoustique physique dun travail enregistré
réside lapproche du Gagaku menée par les compositeurs.
Il semble même que le travail dEloy, cette fois-ci, incorpore
des Shômyô (chants bouddhistes). Je pense quon peut
même dire que ces Shômyô offrent des aspects semblables
au Gagaku. Le Gagaku, ainsi que les Shômyô, ont modifié
le climat sans dénaturer le genre (2). On peut dire que cela porte
la présence du son. Il semble quEloy crée un nouveau
Shômyô en réunissant des phonèmes incluant un
sens en tant que langage.
Le Gagaku - qui pouvait être vu comme se reposant longtemps sans
évoluer à lintérieur du petit bocal appelé
Japon - commence à évoluer. Et il sort même à
lextérieur de ce bocal. Pour ce faire, il faut intégrer
de nouveaux enzymes. Cela est assuré dans la continuité
par le Théâtre National : il y a des commandes de compositions
de nouveau Gagaku (tâche confiée aux compositeurs), et il
y a même eu une renaissance de vieux instruments.
Car la chose qui a perdu la force créatrice ne fait que détruire
la beauté accomplie. Cette continuation créatrice est le
départ de cette aventure ajoutant une nouvelle force et un nouveau
charme. Cela annonce - malgré des erreurs possibles - un futur
prometteur.
UENAMI WATARU (Professeur de lUniversité
des Arts dOsaka)
Notes pour la traduction
:
(1) A l'origine, la musique de Gagaku vient de Chine (aussi à travers
la Corée), ou elle avait fonction de musique de cour. Elle a été
ensuite adaptée aux spécificités Japonaises.
(2) De la même manière, le Shomyo (tout comme le Bouddhisme)
est venu au Japon depuis la Chine, après avoir pris son essort
dans le Nord de l'Inde, et suivi une longue transformation à travers
le Tibet (pour le chemin appelé "grand véhicule"
- l'autre chemin, ou "petit véhicule", passe par le sud
; Birmanie, Thaïlande, Cambodge
).
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LE MONDE DE LA MUSIQUE
N° 62 Décembre 1983
Création de "A l'Approche du Feu Méditant",
à Tokyo
*
Jean-Claude Eloy est un cas isolé
dans la musique "savante" contemporaine. Un cas énigmatique,
aussi. On le croyait installé dans le studio électro-acoustique
que son travail nécessite. Pour quelques mois encore, il n'en sera
rien (notre encadré). Et le Stockhausen français reste,
par la force des choses, un voyageur, un vagabond, composant "à
la japonaise" des uvres commandées par des Japonais.
Pas si évident, assure-t-il.DES CREDITS ET PAS DE STUDIO
Contrairement à ce qu'avaient laissé supposer les déclarations
officielles, Jean-Claude Eloy ne dispose pas encore de l'outil de création
qui avait été annoncé par Jack Lang et Maurice Fleuret
en février 1982.
En effet, le projet d'implantation de ce studio à La Défense
a dû être abandonné en décembre de la même
année.
Depuis, des pourparlers ont été engagés avec Rueil-Malmaison
pour la construction d'un bâtiment spécial attenant au nouveau
Conservatoire National de Région qui doit y être sous peu
mis en chantier.
L'Association CIAMI (Centre d'Informatique Appliquée à la
Musique et a l'Image) a été créée en mai 1983
et a déjà reçu de la Direction de la Musique et de
la Danse une subvention de fonctionnement.
D'autre part, et c'est le plus important, une convention a été
signée fin octobre 1983 entre la Région Ile-de-France et
le ministère de la Culture pour la réalisation de ce studio
à Rueil, les deux partenaires se partageant le coût de construction
(5 millions de francs) et l'Etat prenant à sa charge l'équipement
technique (4 millions de francs) et la subvention d'équilibre nécessaire
au fonctionnement.
La mise en service est envisagée pour l'automne 1985. Cette structure
de création sera ouverte également aux jeunes compositeurs
français et étrangers.
*
L'ORIENT DANS MA MEMOIRE
par Jean-Claude Eloy
Propos recueillis par Jean-Noël von der Weid
Oui, je suis fasciné par la musique
de l'Orient. Mais qu'est-ce que la musique orientale ? Et pourquoi toujours
la différencier de la musique occidentale ? Quel Orient ? Quel
Occident ? Je trouve cette distinction de plus en plus impropre. Il vaudrait
mieux parler d'échanges entre " civilisations musicales ".
Il faudrait aussi veiller à bien discerner les musiques fonctionnelles
de celles qui sont écoutées pour elles-mêmes. Je crois
qu'une des raisons pour lesquelles l'Inde et le Japon constituent des
pôles d'attraction, de réflexion, d'influences, c'est tout
simplement parce qu'une très grande musique classique y palpite.
Une musique liée bien évidemment à des cérémonials,
à des religions ; mais une musique dégagée de toute
fonction, qui s'écoute pour elle-même. Alors qu'en Afrique,
par exemple, les musiques sont forcément liées à
un usage précis dans la société (la chasse, la transmis-sion
d'un message à travers la forêt) et insérées
dans le tissu social des activités d'un village. En Inde, la musique
classique est devenue un art de cour ("Le salon de musique").
De même au Japon pour le Gagaku (le mot, rappelons-le, signifie
en japonais "musique élégante"). C'est par ces
musiques plus savantes, plus abstraites, que des compositeurs comme moi
se sentent attirés.
On peut évidemment se demander comment moi, un Européen,
exécutant une commande du Théâtre National de Tokyo
(voir Le Monde de la Musique n° 59 p. 13), a pu concevoir une musique
" japonaise " qui plaise à un public japonais ! Je dois
dire que j'aime beaucoup leur musique traditionnelle, que je l'ai énormément
écoutée depuis de nombreuses années : j'ai donc bu
à la source. Pourtant, lors du concert, mon uvre A l'approche
du feu méditant (elle dure en définitive 2h 40) a suscité
une surprise générale. Les quelques rares auditeurs européens
qui se trouvaient dans la salle m'ont tous déclaré: "Mais
ce n'est pas possible, comment avez-vous fait ? Vous avez certainement
récupéré des bribes de musiques traditionnelles que
vous avez triturées." J'ai répondu: "Non, le compositeur,
c'est moi." Ils ont eu bien du mal à le croire, car auditivement,
cette pièce sonne comme si elle datait de dix siècles et
en même temps comme quelque chose qui m'est person-nel. S'il y avait
eu davantage de musiciens dans le public, ils auraient remarqué
un double canon par mouvement contraire qui n'a évidemment rien
de traditionnellement japonais...
Pourquoi cette affinité avec le Japon ? Finalement, je l'ignore.
Ce qui me fascine dans le Gagaku, c'est avant tout sa lenteur. Je suis
las de la vitesse occidentale, de ses vaines et hypocrites fulgurances.
Las du délire post-sériel, de ses quantités de notes
à la seconde, de cette maladive nervosité occidentale, souvent
si gratuite. Je trouve dans le Gagaku un étirement du son dans
Ie temps, une façon de revivre Ie corps acoustique dans la lenteur
de son développement. J'ai toujours aimé les mu-siques lentes
: le Debussy contemplatif, certaines pages de Messiaen et les musiques
indonésiennes et coréennes.
Ce qui m'attire aussi dans la musique japonaise et dans beaucoup de musiques
non européennes, c'est l'acoustique de l'objet sonore. C'est le
son ornementé, le son glissé, le son entre deux sons. Dans
le Gagaku, le hichiriki (comme un hautbois droit en bambou à double
anche) semble couler d'une note à l'autre. En Inde, l'ornementation
tourne autour du son. Même chose au Moyen-Orient avec ces fabuleuses
micro-ornementations vocales qui s'évanouissent pour faire place
à un champ sonore, un son autour d'une fréquence, plus ou
moins mis en activité, plus ou moins ornementé, plus ou
moins fixe. On est bien éloigné des "degrés"
à l'occidentale. Et si l'on étudie ces musiques au sonogramme,
on s'aperçoit que la fréquence n'est pas un saut d'un point
fixe à un autre point fixe, mais une pensée musicale qui
se condense sur le rapport entre les notes, qui se développe d'abord
sur l'intervalle puis sur les relations d'intervalles. Le compositeur
pense et écrit en termes de rapports entre des sons, comme s'il
se promenait d'une fréquence à une autre. Aussi la monodie
et l'hétérophonie sont-elles demeurées fondamentales
dans les musiques non occidentales parce que le son est suffisamment intéressant
par lui-même. La polyphonie occidentale a besoin d'un corps "neutre"
pour se développer.
Mais les uvres orientales composées par les Occidentaux -
et, à l'inverse, les uvres occidentales composées
par des Orientaux - sont-elles des produits hybrides ? C'est le grand
problème. A l'issue de mon concert à Tokyo, le public était
enthousiaste, et le compositeur Toru Takemitsu est venu me demander en
plaisantant de lui donner des cours de musique japonaise ! Un Occidental
avait fait un grand pas vers l'Orient.
Pourtant, le lendemain, j'étais membre d'un jury et nous devions
distribuer une bourse à un jeune compositeur japonais qui aurait
ainsi la possibilité d'étudier à Paris. J'ai donc
écouté une masse de cassettes. Et surprise ! Si je n'avais
pas vu que ces compositeurs avaient des noms japonais, j'aurais pu penser
qu'ils s'appelaient Müller, Schmitt ou Dupont. Leurs pièces
étaient des démarcages absolus des quatuors de Bartok ou
de Berg.
C'est le monde à l'envers ! Moi, j'apporte aux Japonais une uvre
que je m'efforce de concevoir de façon adaptée aux instruments
traditionnels. Et simultanément, de jeunes Japonais m'apportent
de la musique de chambre "à l'occidentale" avec des sonates
pour flûte et piano. Phénomène constant dans cette
civili-sation ? C'est vrai que le Japon de l'ère Meiji s'était
tourné vers l'Occident, l'avait assimilé, s'adaptant ainsi
à l'époque moderne, et fort bien. Mais en matière
de musique, d'art en général, on a le sentiment, pour l'instant,
qu'apprendre l'Occident, l'imiter, est beaucoup plus valorisant pour les
compositeurs orientaux qu'assimiler leurs propres traditions pour les
faire évoluer.
Cette ouverture à une autre culture, je la vis à ma façon,
parce que certains courants inté-rieurs m'y portent. Mais notre
siècle offre aussi des références importantes: Debussy,
Ravel, Messiaen, Boulez, Stockhausen et Varèse n'ont pas caché
leur intérêt pour les autres civilisations: l'Occident a
toujours su ingurgiter les apports extérieurs au fur et à
mesure qu'il avait la possibilité de les connaître. Le magnétophone
et le disque ont accéléré les choses: c'est grâce
à eux que j'ai pu littéralement m'imbiber de musiques extra-européennes.
Bien que je ne m'en inspire pas directement, elles sont désormais
en moi et dans ma mémoire musicale.
Un compositeur occidental est-il crédible aux yeux des Orientaux
quand il compose "à la japonaise" ?
J'ai fait écouter de larges extraits de ma dernière uvre
à des étudiants-compositeurs coréens. Ils ont été
complètement désorientés. Ils m'ont demandé
si je n'étais pas fou, si j'avais voulu faire de la musique électronique
moderne ou du folklore: pour eux, mon uvre était du folklore
! Éduqués à la musique occidentale, ils conçoivent
comme prédominantes les valeurs de l'Occident. Ils ont, envers
leur propre tradition et la tradition de leur voisin, un comportement
colonialiste.
Évidemment, il y a des exceptions: Takemitsu, Ishiyanagi, par exemple,
même si eux-mêmes ont grandi dans un monde au sein duquel
il était impensable qu'un compositeur sérieux puisse s'inspirer
du vieux Japon. Et c'est par le reflet de leurs cultures traditionnelles
sur les Occidentaux que leur propre prise de conscience s'est déclenchée.
C'est à ces mêmes sources que je suis remonté, mais
pour d'autres raisons : parce que je n'avais pas de préventions
à leur égard. Le directeur de la NHK (radio japonaise) m'a
en effet déclaré: "Seul un Européen avec sa
liberté de pensée pouvait aller si loin dans l'utilisation
des matériaux traditionnels et réaliser une uvre aussi
intemporelle qu'A l'approche du feu méditant." J'ai répondu
que j'avais fait cela innocemment, comme un enfant. Ça l'a fait
rire aux éclats. Cette naïveté, pour un Japonais, c'était
de l'audace !
JEAN-CLAUDE ELOY
(Propos recueillis par JEAN-NOËL VON DER WEID)
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MUSIKHANDEL
Avril 1986
Les disques
Information et divertissement
Musique nouvelle sur disques nouveaux
Des pays étrangers
Certaines évolutions
décisives de lhistoire de la musique sont dues à la
rencontre avec des cultures étrangères. Cest le cas
des influences extrêmes orientales sur lart de ceux que l'on
appelle les impressionnistes ainsi que sur la rythmique de Messiaen et
sur les études plus récentes des pratiques méditatives
des cultures indiennes ou japonaises. Un jeune compositeur allemand, Dieter
Mack, né en 1954 à Speyer, a entrepris des voyages d'étude
en Inde, à Bali et au Japon. Un autre, le Français Jean-Claude
Eloy (né en 1938) a étudié au Japon les formes des
chants bouddhistes traditionnels ainsi que la musique de cour. Des témoignages
de leur étude des idiomes étrangers existent maintenant
pour chacun deux.
Dans loeuvre de Jean-Claude Eloy "A lApproche du Feu
Méditant", cérémonie de deux heures réalisée
pour le Théâtre National du Japon à Tokyo, il est
un peu difficile de distinguer ce qui est propre à lauteur
de ce qui est inspiré. Il est toutefois captivant de voir le compositeur
reprendre les techniques instrumentales et vocales les plus anciennes:
le chant dans différentes chambres de résonance, les passages
glissant dune hauteur de son à lautre, le déploiement
de nouvelles liaisons mélodiques, la juxtaposition hétérophone
dinstruments traditionnels. Dailleurs, il augmente les moyens
de façon impressionnante. Lenregistrement a été
réalisé au cours dune représentation publique
et il comporte des bruits perturbateurs, réduisant ainsi leffet
produit par quelques sons de la cérémonie. Le commentaire
circonstancié du compositeur est toutefois remarquable.
Jean-Claude Eloy: A lApproche du
Feu Médiant.
Harmonia Mundi France HMC 5 155.56. 2 LP. Double album.
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TÉLÉRAMA
Nž 1934 du 4 Février 1987
DISQUES
TRADITIONS
par Alain Swietlik
JAPON
À L'APPROCHE DU FEU MEDITANT
Jean-Claude Eloy. Album double HMC. 5155/56
"Musique française d'aujourd'hui" (Harmonia Mundi)
-- fff --
Les compositeurs qui croient
encore pouvoir confier leur inspiration au hasard ou aux machines sont
moins nom-breux que ceux qui puisent dans les découvertes d'avant-garde
des musiques tradition-nelles. L'ailleurs et l'autrement, c'est l'Orphée
du XXe s. et l'avenir de notre musique. Même Jean-Michel Jarre,
dans Zoolook, bien qu'il n'ait pas su s'en servir, l'a compris.
Après le Gagaku de Messiaen (Sept Haï-Kaï)
et le French Gagaku (mathématiquement recomposé)
de Pierre Barbaud, Jean-Claude Eloy va beaucoup plus Ioin. Il ne s'agit
plus de trouver une recette et de réchauffer, d'imiter, mais de
créer directement, sur le terrain même des Japonais, avec
des Japonais ! L'exotisme, ça n'existe plus.
Eloy, aussi profondément imprégné du Japon que Messiaen
l'est des oiseaux, compose pour l'orchestre de Gagaku de la Cour Impériale,
rien que ça, utilisant aussi le chant Shomyo des deux sectes Shingon
et Tendaï. Son assimilation est parfaite, et sa composition dépasse
la tradition originale, à la fois à la japonaise et à
la manière Eloy (polyphonie, re-création du rituel, re-composition,
écriture).
Le triomphe d'Eloy au Japon est infiniment plus symptomatique de l'ouverture
de l'Occident que le triomphe, dans nos petits fortins culturels, de Mehta,
d'Ozawa ou de Te Kanawa. C'est la lune qu'Eloy montre du doigt, et tant
pis pour ceux qui ne voient que le doigt ! (Durée: 2h).
ALAIN SWIETLIK
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